Accueil ] L'association ] Pérols sur Vézère ] Les sentiers ] [ Le nom des villages ] La carte de Cassini ] Au détour des chemins... ] Ressources locales ] Aux alentours... ] Rétrospectives ] Communiquer ] Nos liens ]

Le nom des villages

par Jean Mazaleyrat, professeur honoraire de la Sorbonne

On rassemble ici sous le nom de "villages" tous les lieux habités: chef-lieu, hameaux, écarts. Les noms sont en gaulois, latins ou composés d'éléments combinés des deux langues. Ce qui donne une idée de l'époque de fondation des premières exploitations rurales permanentes dans la région avant la conquête de César (époque gauloise) et surtout après (époque gallo-romaine).

Les noms désignent ici : soit une situation géographique, une nature de terrain ou une particularité du paysage, soit le propriétaire fondateur de l’exploitation.

Le nom du chef-lieu. Pérols est latin : PETRARIOLUM "les rochers" : première vision sans doute de la butte formant le centre du village, région de l'église et de la place avant aménagement par les hommes.

En annexe du "bourg": La Bussière latin BUXARIA "les buis" un élément de la végétation du lieu qui a pu frapper les premiers occupants. Et, deuxième "banlieue". celle-là de peuplement contemporain. Les Paloux: appellation plus récente, d'origine dialectale sur base latine et désignant vraisemblablement les vannes (palou en patois) de 1 'ancien moulin caractéristique du lieu avant le lotissement des terrains.

Le nom d'Ars date de la colonisation gallo-romaine. C'est le latin ARCUS "le pont", et le mot a dû caractériser initialement le hameau établi au-dessus du point de passage du ruisseau ; non l'actuel pont d'Ars ", de construction relativement récente comme la route correspondante, mais le vieux pont, en aval, sur l'ancien chemin montant au village.

La dénomination de Bay vient du gaulais BAGOS "hêtre". C'est donc un nom d'arbre, "les hêtres", donné à un domaine gaulois par rappel d'un élément du paysage remarqué par les premiers occupants. On peut noter à ce propos la fréquence des appellations évoquant le paysage sylvestre : ainsi trouve-t-on, sans aller loin, La Vergne (gaulais VERNA "l'aulne") ou La Flageolle (FAGEOLA) les hêtres encore mais cette fois en latin ; dénomination plus tardive donc que celle de Bay : le pays entre temps avait changé de langue).

Le domaine des Pradeloux a un nom patois construit sur base latine. Ce nom entre dans la série dialectale très nuancée des appellations données aux prés selon leur taille, leur forme ou leur situation : pra, prade, pradeau, pradelle, pradelou. Les Pradeloux sont "les petits prés", et c'est cette particularité du paysage rural qui a été retenue ici comme caractéristique de l'exploitation fondée en ce lieu. 

Le nom des Places est latin. PLATEA désigne une surface plane, de profil plat ou incliné. Ici c'est de plans inclinés qu'il s'agit: sans doute, par opposition aux creux et bosses environnants, les champs un peu plus réguliers situés derrière la maison, au départ du chemin de Variéras.

Sur la route de Meymac (qui est le latin MlAXIMIACUM, "le domaine de Maxime") on trouve La Beige qui devrait s'écrire Labeige en un seul mot (détachement erroné du La, sans doute pris à tort pour un article féminin alors qu'il fait partie du mot). C'est le latin LAPIDIA, dérivé de LAPIS "pierre"; un nom de domaine gallo-romain formé sur le nom du propriétaire ou sur un détail caractéristique du terrain : "le domaine des pierres" donc, ou "le domaine de Pierre".

A côté, Chaumeil, latin CALMICULUM, formé sur le gaulois (et même prégaulois) CALM "butte arrondie" ; donc une indication topographique correspondant au site des plus anciennes maisons du village.

Au-delà, Razel, latin RATICELLUM, formé sur le gaulois RATIS "fougère" ; comme à La Bussière, un caractère de la végétation, certes peu original dans le pays (il y a des fougères ailleurs qu'à Razel !), mais qu'ont pu spécialement remarquer les défricheurs du lieu, surtout s'ils avaient à débroussailler.

En reprenant la route, Barsanges latin BARSANICA, dérivé formé sur le nom de personne gaulois BARCIOS, nom du fondateur de la première exploitation noyau du village; la très ancienne racine BARC / BERC exprimant l'idée générale de "montagne", on traduira approximativement Barsanges par "le domaine de Dumont".

Enfin, à la limite orientale de la commune, La Saulière, fausse graphie (la prononciation ancienne du patois le confirme) pour La Soulière- à cause d'une confusion faite apparemment avec le français saule par un topographe ou rédacteur du cadastre qui ne comprenait pas de patois) ; c'est le latin SOLARIA "terrain exposé à l'est, au soleil levant", site initial du village.

Variéras, déformation d'un ancien Valiéras, représente le latin VALLARIA "la vallée": donc désignation du village par référence au creux encaissé du ruisseau. Le même nom se retrouve dans la région (Creuse, Haute-Vienne) sur des sites semblables, francisé en Vallières. Ici on a gardé le nom sous sa forme dialectale, plus ancienne.

Le nom de Coudert est gaulois. Le terme d'origine, COTERICUM, s'applique à un enclos de pâture ou de séjour pour le petit bétail. Il est resté en patois moderne comme désignation ordinaire du pré attenant à la maison. Mais il a aussi le sens plus ancien de "communal de pâture", et ce sens reste encore vivant dans quelques noms de lieu-dits (à Pérols le Coudert des ânes, près du cimetière). C'est le sens ancien qui, se rapportant à quelque communal bien connu, a du faire donner le nom de ce terrain au village construit sur son emplacement ou à proximité.

Le Vaubourzeix parait être un composé latin tardif (fin de l’époque gallo-romaine, début du Moyen Age) : VALLI-BURGITUM "la ferme de Valius" (VALIUS, nom de personne qui signifie... vigoureux"). Le mot BURGITUM (le même qu'en français Le Bourget) s'applique spécifiquement à une ferme fortifiée à l'époque par levées de terre, fossés et palissades) contre assaillants et pillards. Sa forme et son sens font penser, pour la date de fondation du village, à une période d'insécurité‚ vraisemblablement celle dite des "Grandes Invasions", qui a vu passer la Gaule romaine sous la domination des Francs.

La Cheype est un domaine gaulois: CAPIA "la propriété‚ de capius" (CAPIUS, surnom désignant "l'homme à la capuche", d'après la coiffure de mauvais temps du paysan gaulois). on a ici encore un nom de domaine formé‚ sur celui de son fondateur ou exploitant.

Le nom d'Orluc enfin se rapporte de même à celui du propriétaire ou de l'occupant : c'est AURELI-LUCUS "le bois d'Aurelius" (AURELIUS, nom latin primitif signifiant "soleil", fréquent dans les noms de lieux français formés sur des noms de propriétaires : citons Aurillac, Orléans, Orly et, dans la région, Aureil, Orliac, Orlianges - ce dernier nom transmis aux familles lointainement originaires de ce hameau).

Le nom de nos villages évoquent des réalités simples : un aspect du paysage, un détail de la vie rurale, un nom de fondateur ou d'occupant. Mais ce sont aussi, par les langues qu’ils rappellent et les époques auxquelles ils renvoient, des documents sur l’histoire ancienne du pays et de ses habitants.

Accueil